Chapitre 3 : Amis
Je commençais à m’intégrer. Pour la première fois de ma vie, je m’intégrais peu à peu dans le monde des humains que je connaissais si mal.
- - Tu n’as jamais fait une soirée pyjama ?
Leïla continuait de me poser des tonnes de question sur moi et sur ma vie après un mois ensemble. Tous les midis, elle et Dan partageaient ma table et de temps en temps, certaines de ses amies nous rejoignaient. Leïla avait des tas d’amies. Elle ne pouvait traverser un couloir sans être hélé par quelqu’un. Elle m’impressionnait, elle était tellement à l’aise avec les gens, tout le contraire de moi et de son frère.
- - Je vais en organiser une, rien que pour toi, lança-t-elle au milieu du déjeuner.
- - Non, non. Leïla, ce n’est pas nécessaire, je t’assure.
- - Bien sur que si. Je vais organiser tout ça pour ce weekend. Chez toi ou chez moi ?
Je paniquais. Hors de question de passer la nuit entourée d’humains sans défense, les journées étaient déjà difficiles à supporter. Et c’était encore plus hors de question d’inviter des humains à la maison. Heureusement Dan vint à mon secours.
- - Laisse la tranquille, Leïla. Elle est là que depuis un moi, laisse lui encore un peu de temps pour s’intégrer.
- Elle sembla hésiter une minute mais devant ma mine apeurée, elle céda.
- - Très bien. Mais on en aura une avant la fin de l’année.
- - D’accord, soupirais-je heureuse de voir cette discussion close pour le moment.
- - Bon je dois y aller, Matt m’attend.
Matt était le petit ami d’Emilie avec lequel elle était depuis quelques mois déjà. Elle alla donc le rejoindre à la table des footballeurs et nous laissa Dan et moi seuls. J’aimais de plus en plus passer du temps avec lui. Il était différend de tout ce que je connaissais. Il était calme et discret. Tout le contraire de Jacob. Et il semblait apprécier ma présence au moins autant que j’appréciais la sienne. Ça devait être ça avoir un ami.
- - Tu as commencé le devoir d’histoire sur la guerre de sécession, me demanda-t-il alors que nous sortions de notre dernier cours.
- - Non, pas vraiment. Et toi ?
- - J’avoue que je suis un peu perdu. Je ne sais pas trop par quoi commencer.
- - Si tu veux, mon pè… oncle Edward peut nous aider, il s’y connait en histoire.
- - Sérieux ?
- - Oui.
Il ne me restait plus qu’à convaincre mon père. Ça n’allait pas être facile. J’attendis que ma mère aille chasser le soir même pour lui en parler. Il était assis sur le canapé et regardait les informations. J’aimais l’observer. Il ne bougeait pas, c’était comme si il était une statue.
- - Papa ?
- - Mm ? dit-il sans bouger.
- - J’ai quelque chose à te demander … commençais-je.
- - Je sais.
Il se tourna vers moi et me sourit.
- - Et ?
- - Eh bien, commença-t-il, je ne sais pas si c’est une bonne idée.
- - Pourquoi ? Toi et maman m’avez dit que je devais avoir une vie normale, non ? Eh bien quoi de plus normal que d’inviter un ami à la maison pour travailler sur un devoir ?
Il se mit à rire, j’adorais l’entendre rire. C’était si rare. Il avait toujours l’air si sérieux, coupable. Je savais qu’il détestait être ce qu’il était et que seuls ma mère et moi rendions sa vie plus facile.
- - Nous sommes tout sauf une famille normale, Renesmée, tu le sais bien. Et notre maison est comme un sanctuaire, le seul endroit où nous n’avons pas à nous cacher, où nous sommes en sécurité. Alors amener un inconnu …
- - Ce n’est pas un inconnu. C’est mon ami, lui dis-je en prenant sa main.
Je lui montrais tous les moments que j’avais passés avec Dan, la façon dont il me faisait me sentir et la confiance que j’avais en lui. Je voulais qu’il comprenne.
- - Bien, je rends les armes. Il peut venir.
Je me jetais à son coup.
- - Merci !
-
- Qu’est-ce qu’il se passe ici ?
Jacob venait d’arriver. Il ne portait qu’un short ce que mon père n’appréciait guère et cela depuis toujours d’après ce qu’on m’avait dit.
- - Rien du tout, lui répondit mon père en se levant. Je vais aller rejoindre Bella, il vaut mieux que je sois rassasié si tu dois passer la soirée avec nous, ajouta-t-il avant de sortir par le balcon.
Jacob alla directement à la cuisine et se prépara un sandwich. Je le rejoignis. L’odeur même de la nourriture humaine avait le don de me rendre malade mais je m’y étais peu à peu habitué et puis l’odeur de Jacob était plus forte, plus agréable.
- - T’en veux un ? me demanda-t-il quand il eut avalé sa première bouchée.
- - Non merci.
- - Tu préférerais un croc, ajouta-t-il en tendant son cou.
Je grognais à la vue du sang chaud qui battait au creux de son cou. Mon corps tout entier se figea. Une partie de moi voulait se jeter sur Jacob pour m’abreuver mais j’avais assez d’expérience pour me contrôler. Je me levais et quittais la pièce.
- - Nessie ?! Je plaisantais, me dit-il après m’avoir rejoint sur le canapé.
- - Ça n’a rien de drôle, Jake.
- - Désolé.
- - Tu crois que c’est facile pour moi de résister ? De renier qui je suis ?
- - Nessie, je … je ne savais pas.
- - Non, bien sur que non. Tu ne penses qu’à toi !
- - Tu es la seule chose à laquelle je pense, Nessie.
- - C’est faux ! hurlais-je en me levant d’un bond. Si tu pensais vraiment à moi, tu me laisserais tranquille !
- - Je ne comprends pas.
- - Est-ce que tu imagine une seule seconde ce que c’est pour moi de t’avoir à mes côtés, surtout dans cet état-là, lui dis-je en montrant son magnifique torse nu, alors que je sais que tu ne veux pas de moi ?
- - Tu sais que c’est faux, que je te veux …
- - Alors prends-moi !
L’espace d’un instant, il sembla hésiter. Puis il se rassit sur le canapé, les yeux baissés.
- - Je ne peux pas.
- - Qu’est-ce que tu ne peux pas faire, Jake ?
- - Être loin de toi, Nessie. Je ne peux pas.
- - Alors reste auprès de moi, murmurais-je en m’asseyant à ses côtés.
Je prenais son visage dans mes mains et l’obligeais à me regarder. Je caressais tendrement sa joue et approcha dangereusement mes lèvres des siennes.
- - Mais je ne peux pas non plus être proche de toi comme ça, dit-il en se levant. Je n’ai pas le droit, pas encore.
Il se jeta dehors et je n’eus le temps que d’entrevoir son pelage roux qui disparaissait à travers les arbres. Il me laissait seule encore une fois.
- - Je n’imaginais pas ta maison comme ça, me dit Dan en descendant de ma Volvo.
- - Et comment tu l’imaginais ? lui demandais-je en montant les marches.
- - Normale, répondit-il. Mais pas ça !
Je souris et entrais. Ma mère était assise dans la salle à manger, elle écrivait. Mon père était debout devant la porte du balcon. Il se retourna quand on entra dans la pièce. Il avait un air grave que je n’appréciais guère. Il se passait quelque chose, je le sentais.
- - Bienvenue ! s’exclama ma mère en se levant.
Dan lui tendit la main et l’espace d’une seconde mon cœur cessa de battre. Ma mère eut un petit rire et le prit dans ses bras, évitant ainsi de le laisser toucher sa peau froide. Bien que surpris par son geste, Dan lui sourit.
- - Je te présente ma tante, Bella. Et voici mon oncle, Edward.
- Mon père s’avança et lui fit un signe de tête.
- - Mettons nous au travail, dit-il en nous emmenant dans son bureau.
Il s’installa derrière son bureau et nous indiqua les chaises en face de lui. Dan semblait impressionner par mon père et il le savait. Il semblait même s’en amuser. Durant toute la session, il ne cessait de l’observer d’un regard insistant. Je me sentais particulièrement mal à l’aise.
- - On devrait faire une pause. Edward, je peux te voir dans la cuisine, s’il te plait, lui dis-je laissant Dan seul.
Une fois dans la cuisine je me retournais vers lui et lui jetais un regard froid.
- - Quoi ?
- - Comment ça, quoi ? Je veux que tu arrêtes ça !
- - Arrêter quoi ?
- - Tu sais très bien ! Lire en lui comme ça, je veux que tu arrêtes. Et je veux que tu sois gentil !
- - Je suis gentil …
- - Non, tu n’es pas gentil !
- - Je croyais t’avoir dit d’être gentil, dit ma mère en entrant à son tour.
- Elle prit mon père par la taille et se blottit dans ses bras.
- - J’ai été gentil, mais ce garçon a des pensées …
- - Je ne veux pas savoir ! le coupais-je.
- - Va rejoindre ton ami, ma chérie. Je m’occupe de ton père, me dit-elle.
Je retournais rapidement auprès de mon ami et le retrouvais qui observait une photo accrochée au mur.
- - C’est ta famille ? me demanda-t-il.
- - Oui.
- - Ils ont tous l’air si jeune !
- - Je sais. C'est un truc dans les gênes, ajoutais-je un peu gêné.
Ils étaient tous là. Carlisle et Esmée dans les bras l’un de l’autre, Rose et Emmett, Alice et Jasper toujours à l’écart, Charlie à côté de Jacob et mes parents me tenant dans leurs bras alors que je n’avais qu’une dizaine d’année. Dan semblait observer la photo de très près, comme si il tentait de graver dans sa mémoire chaque visage, sans doute pour les associer avec ce qu’il savait déjà d’eux. Mais je n’appréciais pas de le voir observer d’aussi près les membres de ma famille.
- - Elle ça doit être Rosalie, non ?
- - Oui. C’est Rose, dis-je en souriant.
Je lui avais tant parlé d'elle et surtout de notre relation si forte. Elle avait toujours été comme une seconde mère pour moi.
- - Elle te manque beaucoup.
- - Ils me manquent tous.
- - Ton oncle et ta tante n’ont pas l’air d’avoir vieillis. C’est quoi leur secret ?
- - Je ne sais pas …
- - Lesquels sont tes vrais parents ? enchaina-t-il.
- - Euh … ils … ils ne sont pas sur les photos, balbutiais-je. Si on s’y remettait avant que mon oncle ne revienne.
- - Il est impressionnant ton oncle, me dit Dan en venant s’assoir à mes côtés.
- - Je suis désolé pour ça, il est très protecteur avec moi. J’ai beau lui dire qu’on est seulement amis, ça ne change rien.
- - C’est ce qu’on est ? Amis ?
Je me retournais vers lui. Il semblait presque blessé de l’adjectif que j’avais attribué à notre relation.
- - Je veux dire, reprit-il en se replongeant dans son livre d’histoire, ça me va, amis.
- - Mais tu … tu voudrais plus ? balbutiais-je.
Il releva les yeux vers moi et il n’eut pas besoin de parler. Il voulait plus. Il me voulait.
- - Bien, il est temps de s’y remettre, annonça mon père en entrant dans la pièce.
- Une heure plus tard, je raccompagnais Dan chez lui. Il ne prononça pas un seul mot durant tout le voyage.
- - Je suis désolé si je t’ai blessé, me dit-il alors que je venais de me garer devant chez lui.
- - Quoi ? Tu ne m’as pas blessé.
- - Tant mieux, c’est la dernière chose que je veux.
Il posa un regard tendre sur moi et je pus lire en lui. Je fus capturée dans ses yeux verts émeraude. Je n’avais pas remarqué à quel point il était beau jusqu’à cet instant. Sa peau caramel semblait si douce, et son odeur sucrée m’enivra. Il continua à me regarder tendrement puis il se pencha lentement vers moi. Son visage approchait dangereusement du mien. Le plus étrange fut que je voulais qu’il se rapproche encore plus. Il n’était plus qu’à quelques centimètres de moi, ses lèvres déposèrent alors le plus tendre des baisers sur ma joue.
- -A demain, me dit-il avant de s’enfuir.
-
-Alors ? Comment c’était cette séance de devoirs ?
Jacob était assis sur le rebord de ma fenêtre quand j’entrais.
- -Mon père t’a laissé monter ?
Je déposais ma veste sur mon lit et alla le rejoindre.
- -Ils sont sortis … pour …
- -Chasser, finis-je pour lui. Après toutes ces années tu ne t’y fais toujours pas, n’est-ce pas ?
- -Si on parlait d’autre chose, dit-il en se rapprochant un peu plus de moi.
Sa main n’était qu’à quelques centimètres de la mienne. Je mourrais d’envie de blottir la mienne au creux de sa main mais quelque chose m’en empêchait.
- -Et ce Dan ?
- -Comment tu connais son nom ?
- -Tu ne croyais pas que j’allais laisser ce blanc bec s’approcher de toi sans me renseigner sur lui, dit-il en bombant le torse.
- -Jake ! m’indignais-je.
- -Je plaisante. Bella m’en a parlé.
Voilà un des mauvais côté d’avoir pour âme sœur le meilleur ami de sa mère.
- -C’est un ami, lui répondis-je en évitant son regard.
- -Seulement un ami ?
- -En quoi ça te regarde Jacob ? Après tout, toi et moi c’est impossible, non ? C’est toi qui l’a dit.
- - Je sais. Mais je veux juste que tu sois prudente.
- -Je le suis, promis.
Il prit ma main dans la sienne et je sentis mon cœur battre plus fort. Malgré tout, je savais que moi non plus je ne pouvais pas être loin de lui-même si être à ses côtés me faisait si mal.